6 au 16 juin – des Açores à l’Espagne via Gibraltar

6 au 16 juin – des Açores à l’Espagne via Gibraltar

Voile, Voyage

Après 10 jours de navigation intenses, nous voici arrivés sur le continent. Nous sommes à la Marina del Este, petit port tranquille où nous avions déjà passé une nuit en août dernier, sur la route de départ. Entre temps, nous avons parcouru plus de 10000 milles ! Ça nous fait tout drôle de nous retrouver là !

6 juin : nous quittons Sao Miguel le cœur lourd. Nous avons presque envie d’y laisser le bateau pour  y passer plus de temps et être sûrs de revenir l’année prochaine ! D’ailleurs, Sao Miguel nous retient elle aussi à elle : en quittant le port, nous oublions de larguer une amarre… acte manqué sans doute ! Heureusement nos voisins de ponton sont là et viennent nous détacher ! Cap vers Gibraltar. Les quatre premiers jours en mer sont assez agréables, il y a peu de vent mais nous avançons quand même à la voile, sous spi ou génois tangonné. Puis panne de vent. Puis beaucoup de vent, trop de vent (30 nœuds), avec une mer formée, ce qui fait qu’on n’avance pas plus vite pour autant. Cela dure deux jours assez fatigants et ensuite le pilote automatique nous lâche dans la nuit ! Il faut attendre le lever du jour pour voir d’où vient la panne. Prévoyant, Sébastien a la pièce de rechange à bord et réussit à réparer le pilote en 2 h. Ensuite c’est la pompe à refroidissement du moteur qui se désamorce à cause de la houle, puis le désalinisateur qui ne daigne plus couler… Bref, pas de répits pour Sébastien qui réussit à tout réparer. Plus nous approchons de Gibraltar, plus la route est fréquentée par des mastodontes : porte-conteneurs, pétroliers… il faut donc redoubler de vigilance, en particulier la nuit, pour éviter tout risque de collision. Les détecteurs radar et AIS fonctionnent bien et nous donnent également l’alerte, mais j’avoue que ces sonneries stridentes et répétées me hérissent ! Le 14 juin, nous entamons le passage du détroit dans la nuit. Durant mon quart, un bateau de pêche me fait peur en s’approchant un peu trop près de nous. Les deux pêcheurs à bord vocifèrent je ne sais quoi en espagnol, je dois les gêner sans doute… heureusement on ne prend pas de casier ou de filet dérivant, c’est ma hantise. Au matin, Sébastien et Eléa ont la chance de voir deux orques à quelques mètres du bateau ! Puis nous passons devant Tarifa, et à partir de là les courants nous portent, le bateau file à 7 nœuds ! Nous avons eu de la chance au niveau du timing, et Seb avait bien étudié la chose aussi pour ne pas nous retrouver coincés par les courants comme à l’aller. Nous arrivons à Gibraltar le 15 juin vers 13 h. Courte halte juste le temps de faire le plein de gazoil et d’eau et nous repartons vers l’Espagne. Le vent est complètement tombé, nous avançons sur une mer d’huile en compagnie de nombreux dauphins, c’est fantastique ! Même durant la nuit nous les voyons sauter à côté du bateau au clair de lune. Je savoure ces moments. L’accueil à la Marina del Este est toujours aussi sympathique. Nos apprécions tout particulièrement les douches chaudes ! On se dépêche car la Poste ferme à 14h30 ici et nous devons impérativement envoyer les dernières évaluations des filles au CNED… Mission accomplie ! Ça mérite bien un petit resto, ça !

Gibraltar
La mondialisation, ça pollue !
Gibraltar
Europa point.
Gibraltar dauphins
Dauphins communs jouant à l’étrave, on ne s’en lasse pas !
Gibraltar
Mastodonte en acier.
Costa del Sol
Coucher de soleil sur la Costa del Sol.
Marina del Este
La quiétude de la Marina del Este après 10 jours de mer.
Du 8 au 25 mai : traversée Bermudes – Açores

Du 8 au 25 mai : traversée Bermudes – Açores

Voile, Voyage

Nous sommes bien arrivés à Horta, après 17 jours de mer. Retour sur cette belle traversée… Lundi 8 mai nous récupérons notre génois en fin de matinée, bien recousu. Sébastien a aidé le couturier chez le maître voilier pour finir. L’après-midi nous finissons de préparer le bateau et allons à la douane faire la « clearance out » et payer le port. Au passage nous achetons deux jerricans de gazoil supplémentaires, au cas où. Nous larguons les amarres peu avant 18 h, et assistons à un magnifique coucher de soleil. La météo avait prévu zéro vent, mais il y a finalement une petite brise qui nous permet d’avancer à la voile. La première nuit se passe très bien, même si je lutte pour rester éveillée durant mon quart, de 2 h à 5 h. La pleine lune m’accompagne. Notre escale aux Bermudes s’est avérée bien agréable (après notre déconvenue avec la douane en arrivant !) et ce n’est pas facile de reprendre le large, ça a cassé le rythme. Je sais que nous allons être de nouveau vaseux et léthargiques durant 2 ou 3 jours, le temps de nous réamariner. Au matin, vers 9 h, un groupe de dauphins s’approchent du bateau et restent jouer à l’étrave. Quelle fête ! Nous les attendions avec impatience ! Le peu de vent retombe, il faut mettre le moteur. Il y a une houle large qui fait tanguer le bateau, c’est assez inconfortable. Les jours passent et se ressemblent, une routine s’installe avec nos quarts. Toutefois, chaque journée est différente selon le vent et la mer, et influe sur notre comportement, nos émotions. Nous sommes à la merci de ces deux éléments. Ciel dégagé, mer calme et brise régulière : c’est la sérénité ; Maskali file et nous sommes confiants. Des nuages sombres, des grains qui se profilent à l’horizon, et nous sommes sur nos gardes : il faut surveiller l’anémomètre et réduire la voilure pour ne rien casser. La météo est à la fois notre alliée et notre ennemie. Le 5e jour, nous devons passer deux fronts de perturbation successifs. Durant la nuit l’anémomètre s’affole, il y a des rafales jusqu’à 43 nœuds. On prend de la pluie et des paquets de mer dans la figure. Sébastien est toujours sur le pont, sur le qui-vive, il veille. Là, nous nous sentons plus vulnérables : nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes et sur Maskali, si vaillant, qui affronte les vagues sans sourciller. C’est notre bulle, notre refuge, notre cocon qui nous protège des assauts de la mer et du vent. Retour au calme, sérénité retrouvée, le plus dur est passé : le soleil pointe son nez et réchauffe nos habits trempés et nos corps éprouvés. Vivre en mer, c’est s’adapter à tout cela, c’est être en osmose avec la nature, belle, sauvage, imprévisible. C’est se couler dans le rythme du soleil et de la lune. Même la plus belle des photographies ne traduira jamais l’intensité d’un lever de soleil à l’horizon, quand les nuages s’embrasent, quand la mer se pare de reflets dorés, quand le ciel se zèbre de rose, de violet et d’orangé, jusqu’à ce que l’astre fasse son apparition et éclaire le ciel de ses rayons. Voir se lever et se coucher la lune est également une expérience inoubliable. Et que dire de la voûte céleste, de ses milliers d’étoiles qui semblent veiller sur nous ? La mer est changeante, tour à tour impétueuse, fougueuse, alanguie… Elle nous apprend l’humilité. Au fil des jours, l’air devient plus vif et le froid se fait sentir. La nuit nous superposons les couches de vêtements : tee-shirt ou sous-pull, pull, polaire, leggins, pantalon et veste de quart, bottes, sans oublier l’écharpe et le bonnet. Et par-dessus tout cela, le gilet de sauvetage. Quel attirail ! Même la journée, nous restons souvent emmitouflés. A l’intérieur du bateau, tout devient humide. A partir du 10e jour, nous voyons beaucoup de dauphins, presque tous les jours et même plusieurs fois par jour. Parfois juste de passage, d’autres fois joueurs, ils nous accompagnent un moment, nous offrant quelques sauts spectaculaires. Nous avons également  eu la chance d’apercevoir d’autres mammifères marins : un cachalot à deux reprises (dos et souffle), une baleine à 20 mètres de Maskali avec un plongeon nous laissant voir sa queue, et même deux dauphins de Risso nageant à la surface. Nous avons aussi croisé deux tortues et des oiseaux, même très loin de toute côte. Mais nos principaux compagnons de route sont des petites méduses appelées argonautes ; dans le jargon marin, on les appelle aussi « caravelles portugaises » car elles sont munies d’une petite voile rose et bleutée, translucide, qui leur permet de se déplacer sur l’eau. Côté pêche par contre, c’est le néant, pas une seule touche ! Au départ et durant plusieurs jours la mer était couverte d’algues qui se prenaient dans l’hameçon, et ensuite, rien de rien. Nous croiserons plusieurs bateaux, dont un catamaran à 80 milles de l’arrivée. 20 avril : nous pensions être proches de l’arrivée à cette date, Muriel aurait dû prendre son avion retour… mais Faial est encore très loin. Pour éviter le mauvais temps nous avons fait route vers le sud, ce qui fait des milles supplémentaires. Et notre vitesse de croisière dépasse rarement 5 nœuds. De nouveaux fronts de perturbation sont prévus. 2 3 avril : nous avons passé les fronts ; c’était costaud mais le soleil est de retour. 25 avril : à midi il nous reste 50 milles à parcourir, on risque d’arriver à la nuit. Deux heures après, les côtes des Açores se dessinent dans la brume, enfin la terre ! Au coucher du soleil, le Pico, volcan de l’île voisine de Faial, se dresse fièrement entre les nuages. La nuit commence à tomber et des dauphins viennent encore jouer à l’étrave. Nous nous préparons à arriver de nuit au port d’Horta. Des centaines de petits points lumineux comme des guirlandes accrochées sur la terre, les façades blanches des églises, nous y sommes ! Juste avant d’entrer dans le port, lorsque nous affalons la grand voile, le hale bas rigide lâche : il fallait bien qu’on ait un pépin au dernier moment ! Encore une réparation à prévoir. Le gardien de nuit de la marina nous fait des signes avec sa lampe : nous nous amarrons à couple de deux autres bateaux au quai d’accueil. Il est 23 h. Ca y est, nous avons gagné nos jalons de navigateurs au long cours, nous avons traversé deux fois l’Atlantique à la voile. Et ça se fête : nous ouvrons une bouteille de champagne en cherchant un vol retour pour Muriel. Pour la première fois, j’ai le sentiment d’avoir accompli quelque chose de grand, de beau, d’essentiel. Une chose qui, à priori, ne m’était pas destinée. Je le dis en toute modestie, moi qui n’ai pas vraiment le profil d’une navigatrice : pas sportive, un peu timorée, pas spécialement l’aventure chevillée au corps. Mais j’ai réussi, NOUS avons réussi car bien évidemment  nous avons accompli cela tous les six et n’aurions pas pu le faire sans l’aide des uns et des autres. Chapeau bas au capitaine bien sûr, qui a assuré, à Muriel ma grande sœur, une équipière hors pair, et à mes trois filles chéries qui ont fait leurs cours et se sont armées de patience. C’est une expérience à part, unique, inoubliable, et une aventure intérieure dont on ressort grandis.

dauphins
Nos amis les dauphins !
argonaute
Les « caravelles portugaises » nous accompagnent durant toute la traversée.
Muriel à la barre.
Muriel à la barre.
soleil
Lever de soleil sur l’Atlantique.
mer
Un grain qui arrive sur nous à grande vitesse.
5 mai : arrêt imprévu aux Bermudes

5 mai : arrêt imprévu aux Bermudes

Voile, Voyage

Nous n’avions pas prévu de nous arrêter aux Bermudes, mais un avis de coup de vent s’annonçait alors nous avons préféré jouer la carte de la prudence et faire une halte en attendant le retour au calme. Par ailleurs, le génois s’étant décousu durant la navigation, cela nous permet de le faire réparer chez un voilier. Notre traversée Bahamas – Bermudes s’est déroulée sans encombre et l’équipage au top, à peine deux petits vomis pour Eléa et Maëlle ! Muriel s’est amarinée très vite. Après 7 jours de navigation, nous arrivons au petit matin aux Bermudes. Passage obligé à l’immigration et à la douane, il y a un quai d’accueil prévu pour cela devant leurs bureaux. L’agent est plutôt sympathique, nous remplissons nos dix formulaires comme d’habitude et réglons les frais d’entrée, tout est en ordre. En plus, par chance nous rencontrons la gérante des marinas, toutes archicombles, mais quand nous lui disons que nous avons trois enfants, elle finit par nous trouver une place en bout de ponton. Alors que nous sommes sur le point de partir, l’agent des douanes nous interpelle et nous soupçonne de fumer des substances illicites : en rentrant dans le bureau, sa chef a trouvé qu’il y avait une odeur de shit et comme nous étions les derniers à y être entrés… Ils veulent vérifier que nous n’en n’avons pas sur le bateau. Je crois rêver, moi qui n’ai jamais rien fumé de ma vie ! Nous faisons monter l’agent à bord qui ne constate rien d’anormal, mais sa chef insiste et nous apprend qu’ils vont faire venir un chien pour vérifier. Nous tombons des nues ! Avons-nous à ce point des têtes de hippies ? Pas lavés, pas rasés, certes… Je commence à prendre peur, va-t-on devoir vider le bateau ? et si c’était un complot pour nous faire payer une amende? et s’ils trouvaient autre chose à redire ? Nous sommes bloqués là, attendant la suite des événements. Le berger allemand finit par arriver avec trois agents gantés qui inspectent le bateau, et ne trouvent rien évidemment. Le premier agent qui s’était occupé de nos papiers nous fait de plates excuses et nous laisse repartir… Excès de zèle ? Nous nous dépêchons d’aller nous amarrer à notre bout de ponton. Passée cette angoissante arrivée, nos découvrons St Georges, une ville charmante avec des maisons coquettes de toutes les couleurs et des jardins fleuris. Nous en profitons pour compléter notre avitaillement en produits frais, fruits et légumes. Et puis il y a toujours des choses à bricoler sur le bateau ! En gros, nous avons fait à peu près un tiers du trajet, il nous reste maintenant les deux tiers pour rejoindre les Açores, soit 1800 milles. Au fait, il se trouve que le site du rallye continue à enregistrer notre position sur la carte, alors si vous avez envie de voir où se trouve Maskali, c’est encore possible ! Départ prévu lundi 8 mai, après avoir récupéré notre génois !

Bermudes
Les fameux bureaux de l’immigration à Ordinance Island, à gauche.
Bermudes
Toits blancs, cheminées et maisons colorées, voilà l’architecture bermudienne.
2 au 4 avril : traversée des BVI à la République dominicaine

2 au 4 avril : traversée des BVI à la République dominicaine

Voile

C’est parti pour deux jours et deux nuits de navigation ! Les distances entre les îles s’allongent maintenant, cela faisait longtemps que nous n’avions plus navigué de nuit. Mais on retrouve vite nos habitudes ! Quelques heures après notre départ, ça mord, et c’est du lourd : un mahi-mahi ou daurade coryphène ! Ce poisson a une forme vraiment caractéristique avec son front bombé et sa longue nageoire dorsale, et surtout, il arbore des couleurs magnifiques sous l’eau : turquoise flashy et jaune d’or. Sébastien le tient en bout de ligne le long du bateau, tandis que je dois le harponner avec un crochet pour le remonter à bord. Je déteste ce rôle de bourreau, même si j’ai bien envie de la manger, cette daurade ! Elle est splendide et se débat fièrement. Je dois m’y reprendre à plusieurs fois, et plus Seb crie : «Vite, on va la perdre ! Tu croches et tu tires, c’est pas compliqué ! », plus je tremble ! Mais on finit par y arriver… Le spécimen mesure un bon mètre, c’est notre plus belle prise depuis que nous naviguons. Poséidon a fait un beau cadeau à Seb pour son anniversaire ! Les filles sont surexcitées et salivent déjà en pensant aux sushis ! J’ai le souvenir, enfant, d’avoir été moi-même éblouie par ce poisson pêché par mon père aux Antilles. Mais en quelques minutes, il perd ses jolies couleurs. C’est à Seb que revient la lourde tâche de le vider et le préparer : cinq grosses darnes et le reste en filets. De quoi faire plusieurs repas ! Pour le dîner nous préparons, comme à notre habitude, des sushis et makis. J’essaye également une recette de tartare à la mangue, délicieux ! Le lendemain, je fais cuire les darnes à la sauteuse avec des oignons et des tomates, accompagnées de coquillettes. Les derniers filets seront cuits au four à notre arrivée ! Après cette belle prise, nous rangeons les cannes à pêche car nous ne pourrions pas conserver plus de poisson dans le frigo. La traversée se passe bien, avec pas mal de moteur car il y a peu de vent. Lorsque nous arrivons dans la presqu’île de Samana, je scrute pour tenter d’apercevoir des baleines. En effet, cette baie est connue pour être le lieu de reproduction des baleines à bosse, de fin décembre à fin mars. Y aurait-il quelques retardataires ? Mais non, elles sont déjà reparties… Il y a tout de même trois dauphins qui viennent nous saluer, mais ils repartent assez vite. Je regrette vraiment d’avoir manqué une si belle occasion de voir des baleines (je n’avais pas lu le guide avant et j’ai découvert cette information juste avant la traversée), mais ça sera une excellente raison de revenir en République dominicaine !

mahi-mahi
Un mahi-mahi a mordu !
mahi-mahi
Dans le feu de l’action je n’ai pas pu prendre de photo, alors voici à quoi ça ressemble !
mahi-mahi
Une fois hors de l’eau, il perd très vite ses couleurs chatoyantes.
Seb souffle ses bougies au large de Puerto Rico.
Seb souffle ses bougies au large de Puerto Rico.
Maëlle au pays des rêves bleus...
Maëlle au pays des rêves bleus…
Arrivée en République dominicaine, dans la péninsule de Samana.
Arrivée en République dominicaine, dans la péninsule de Samana.
La transatlantique – Du 9 novembre au 27 novembre 2016

La transatlantique – Du 9 novembre au 27 novembre 2016

Voile, Voyage

Bien arrivés à la Barbade après 18 jours ! Pour cette looooooongue traversée de 2022 milles, j’ai repris un récit journalier façon carnet de bord. Je vous livre ici mes notes prises chaque jour ; d’ailleurs en me relisant je m’aperçois qu’il y a des choses très personnelles, mais je ne vais pas tricher alors vous trouverez mes émotions à l’état brut, sans fard ni artifice.

Jour 1 (9 novembre) – Les premiers bateaux du rallye quittent le port de Mindelo dès 9 h. Nous sommes tous un peu émus : les « Bon vent ! » et « Bonne route ! » fusent sur les pontons. Nous finissons les rangements et quelques courses, et attendons Jacques et Jacqueline. Ils ont enfin pu récupérer leurs bagages à l’aéroport (au bout de 5 jours !) et nous ramènent le manuel d’Espagnol pour Mathilde ! J’ai un pincement au cœur de quitter Mindelo ; je n’ai pas eu le temps d’aller voir l’expo sur Césaria Evora ni de faire un tour dans les galeries d’artistes locaux. J’aurais aimé flâner encore dans les ruelles, m’étonner devant l’architecture, sourire aux marchandes de bananes et de poissons au coin des rues. Reviendrai-je un jour ici ? Jacques et Jacqueline arrivent : petite séance photos avec nos beaux tee-shirts juste avant le départ, j’y tiens ! A 12h30 nous larguons les amarres. J’essaie de me convaincre que c’est une traversée comme les autres, et advienne que pourra ! A peine sortis de la marina, il y a 25 nœuds de vent, rafales à 30, ça décoiffe ! Le ciel est tout gris et la mer agitée. Je pense à Jacqueline si inquiète et émue sur le quai qui nous souhaitait du bon vent et une belle mer… si elle savait ! La houle nous prend sur le côté et le vent n’est pas bien établi et tourne sans cesse, nous obligeant à faire pas mal de manœuvres, avec parfois de brusques trous d’air. On met le moteur une fois, deux fois, tout va bien. Mais à la troisième fois, il ne « crache » plus. En jargon de marin, cela veut dire que l’eau ne passe plus dans le circuit de refroidissement et ce n’est pas bon du tout ! Sébastien doit encore une fois ouvrir le moteur et réamorcer la pompe, en buvant un peu d’eau de mer au passage… Pendant ce temps-là les filles qui attendaient leurs pâtes sont prises par le mal de mer. 1, 2, 3 malades, puis 4 avec Seb ; je résiste mais j’ai le cœur au bord des lèvres. Chaque fois qu’on reste un moment au port, il faut se réamariner. Puis survient un nouveau problème : la drisse de grand voile lâche. Seb avait refait le nœud avant de partir pourtant, mais parfois le mieux est l’ennemi du bien… Il enrage, il va devoir monter au mât mais il fait déjà nuit, alors il faut remettre ça au lendemain.

Jour 2 (10 novembre) – Dès 8 h Seb monte au mât pour en avoir le cœur net, espérant pouvoir récupérer la drisse. Il y a de la houle et je tremble à la barre en le regardant monter. Pas de chance, l’attache de la drisse est descendue dans le mât, impossible de la récupérer. Que faire ? Demi-tour à Mindelo ? Seb a l’idée de remplacer la balancine, que l’on utilise pas et qui passe dans le mât, par la drisse : et ça marche, la drisse est récupérée et on peut renvoyer la grand voile ! Ouf ! La mer est bien formée et le vent monte. Je n’ose pas demander à Seb la taille des creux, de peur d’impressionner les filles, mais il y a bien 3 à 4 mètres je présume. On prend quelques éclaboussures dans la tête, ça « éclamousse » comme dit Maëlle ! Le bateau bouge beaucoup, c’est vraiment inconfortable. La moindre tâche nous prend un temps infini car il faut tout tenir, tout caler pour ne pas que ça se renverse. On est au ralenti. La nuit se passe sur le même rythme, avec quelques belles déferlantes en prime. Je ne peux pas dire que j’ai peur ou que je ne m’y attendais pas, mais ça démarre fort quand même !

Jour 3 (11 novembre) – Nous avons une pensée pour Nolhan ! Jour férié et week-end prolongé, je me demande ce que vous faites en France ou en Belgique : une ballade en forêt ? un vide-grenier peut-être ? Les filles commencent à être moins malades et peuvent jouer un moment à l’intérieur. Je me sens vidée, j’ai envie de dormir tout le temps.

Jour 4 (12 novembre) – Super nouvelle aujourd’hui, nous recevons un SMS d’Aude et Benjamin sur l’iridium : leur petit Léopold est né ! C’est beau quand même la technologie ! Maskali avance bien mais il y a toujours cette houle qui nous fatigue. Nous avons déjà parcouru 400 milles nautiques. Un mille équivaut à 1,852 km. Chaque jour, Seb inspecte le bateau pour vérifier si tout va bien et traque le moindre bruit suspect. Par exemple à 5 h du matin il revisse les boulons du pilote automatique ! Mon père reste imperturbable et d’humeur égale, à la barre comme à la vaisselle ! Toujours pas la moindre lueur à l’horizon, pas vu de dauphins ni de baleines, nous sommes vraiment seuls au monde. Seuls les poissons volants animent notre route.

Jour 5 (13 novembre) – Depuis notre départ, le temps est resté maussade et nuageux. Ce matin il y a une éclaircie et le soleil semble pointer son nez ! Les filles sont amarinées maintenant et nous reprenons une vie « normale » avec les cours du CNED, la cuisine, les bricolages, etc. Eléa et Maëlle ont même fabriqué des bouchées en chocolat façon « Kinder joy » ! Côté voile, la mer s’est un peu calmée mais le vent a baissé aussi. Seb et papa essayent de régler les voiles au mieux pour garder de la vitesse tout en tenant le cap, mais nous devons parfois dévier de notre route pour que le bateau avance.

Jour 6 (14 novembre) – Belle journée ensoleillée avec une mer peu agitée mais pas beaucoup de vent. Seb met le spi tout l’après-midi. Les filles se sont lancées dans la confection de gaufres. Elles parlent beaucoup du retour en France, ça aide à passer le temps et c’est sans doute une manière de se rassurer aussi. Mathilde rêve de manger des crêpes à « La Sorcière » (une crêperie à Arzon où nous allons chaque été) et réfléchit à la déco de sa future nouvelle chambre. Eléa pense à ses copines et à ses activités. Maëlle parle beaucoup de l’école, de sa maîtresse Valérie, d’aller jouer chez Ernest et d’aller à la bibliothèque en trottinette ! A 3h30 durant mon quart, j’aperçois une lueur à l’horizon ! Enfin ! C’est incroyable la joie soudaine que cela me procure même si c’est complètement idiot. Est-ce un bateau du rallye, un paquebot, ou bien un bateau du « Vendée Globe », qui sait ? Les lumières se rapprochent assez vite, finalement il s’agissait d’un porte-conteneur qui passe juste derrière nous.

Jour 7 (15 novembre) – J’éprouve une grande lassitude. Est-ce dû à la nouvelle routine qui s’installe à bord, ou au contraire à l’incertitude du lendemain : comment sera la mer, le vent, est-ce qu’on ne va rien casser ? Ou simplement le manque de sommeil réparateur ? Encore 12 jours au moins sur ce rythme, je réalise que ça va être terriblement long. Moi qui aspirais à retrouver une certaine paix intérieure, me voilà en proie à un tourbillon de pensées négatives et de doutes, de remises en questions. C’est dur d’être confronté à soi-même sans échappatoire possible. Durant mes quarts de nuits j’essaye de procéder à une sorte d’introspection. La nuit et la solitude sont propices à faire le point sur mes envies, mes actes manqués, ce que je voudrais changer dans ma vie. Beaucoup de choses enfouies remontent à la surface. Des larmes coulent sur mes joues, minuscules gouttes salées dérisoires face à l’immensité de l’océan. Je songe aux jolis mots de Gisèle : « Il y aura toujours le haut de la vague », et je m’y accroche. Aller au bout de l’océan et au bout de soi-même équivalent sans doute à 10 ans de thérapie chez un psy !

Jour 8 (16 novembre) – Mon trouble de la nuit s’est dissipé… Je sais que j’avance dans la bonne voie pour renouer avec mes aspirations profondes. De nouveaux projets germent dans mon esprit… A mille lieues de ces préoccupations, Eléa est complètement absorbée par Noël : elle confectionne une crèche avec des bouchons de liège, à la faveur d’une idée de bricolage trouvée dans Astrapi. Moi qui pensais que cette année nous allions échapper à la frénésie de Noël ! Il n’y a pourtant pas de catalogues de jouets qui débordent de la boîte aux lettres ni de sollicitations extérieures… Elle a même fait sa liste au père Noël qui est scotchée dans sa cabine !

Jour 9 (17 novembre) – Les jours se suivent et se ressemblent. Ce matin on aperçoit un voilier devant nous mais il ne répond pas à la VHF, on ignore si c’est un bateau du rallye. Nous essayons de passer entre les « grains », c’est-à-dire de gros nuages sombres chargés de pluie et annonciateurs de grand vent. Il faut être attentif pour ne pas risquer d’abîmer les voiles, car le vent peut passer brusquement de 10 nœuds à 30 nœuds ! Moi je ne serai pas contre une bonne pluie pour pouvoir me doucher !

Jour 10 (18 novembre) – Ca y est, nous sommes à la moitié du parcours ! Nous sommes passés en dessous des 1000 milles… C’est bon pour le moral ! Cet après-midi nous sommes au vent arrière avec grand voile déployée et génois tangonné, et nous pouvons suivre notre cap. Depuis le départ nous sommes fréquemment obligés de tirer des bords, ce qui prend plus de temps car on avance en zigzague vers le Nord puis le Sud, au lieu de suivre une route directe. Quelques-uns nous en ont fait la remarque par texto. Rassurez-vous, nous n’abusons pas du rhum à bord ! Il faut s’accommoder du vent. Il faut s’accommoder de tout d’ailleurs ! Du vent mais aussi de la mer, de la houle, des mouvements du bateau, de l’humeur de l’équipage… Apprendre à patienter et à accepter ce qui vient, car nous n’avons de toutes façons aucune prise sur la météo. Exercice difficile pour moi, qui aime bien maîtriser les choses…

Jour 11 (19 novembre) – Pour marquer cette première moitié du parcours, nous avons préparé avec Eléa un message dans une bouteille à la mer. Je sais, je suis un peu trop romantique, mais imaginez qu’un enfant retrouve notre bouteille échouée sur une plage dans un an ou même dans dix ans, qui sait ? Ca me ferait tellement plaisir qu’il nous contacte et qu’on sache où la bouteille a atterri ! Les filles sont aussi enthousiastes que moi et se disputent la faveur de la jeter à l’eau… C’est finalement Eléa qui la lance, et nous la regardons voguer.

Jour 12 (20 novembre) – Une pensée pour Sylvie ! Chaque mille est difficilement gagné et la route me semble interminable… 8 jours encore sans doute… On sait que les premiers bateaux du rallye sont arrivés à la Barbade. Je suis envieuse !

Jour 13 (21 novembre) – Avant de partir, j’avais une vision un peu naïve et romantique de la traversée, je m’imaginais me sentir libre sur mon beau voilier toutes voiles dehors, fendant les vagues. En fait j’éprouve au contraire un sentiment d’enfermement comme je n’ai jamais connu auparavant. Je ne m’explique pas bien pourquoi d’ailleurs.

Jour 14 (22 novembre) – Comme chaque matin, j’allume l’iridium pour envoyer notre position et je consulte les messages. C’est toujours un immense plaisir, doublé d’une grande frustration car la plupart des messages sont coupés et nous ignorons les expéditeurs car le numéro ou le mail n’apparaissent pas. Le jeu consiste donc à deviner, à travers l’écriture, la provenance de chaque message ! Merci en tout cas, ça fait chaud au cœur ! Et désolée de ne pas avoir pu vous répondre… Nous ne savons pas comment remédier à ce problème, il semblerait qu’on soit en fait limité à 70 caractères, espaces compris : il faut faire court !

Jour 15 (23 novembre) – Plus qu’un quart de la route ! En fin d’après-midi le vent tombe complètement, on passe au moteur. Maëlle se remet de 4 jours de fièvre. J’ignore ce qu’elle a eu. Quelques petits boutons sont apparus sur son torse aujourd’hui, me faisant penser à la roséole, mais cela pourrait aussi bien être des boutons de chaleur. En tout cas nous sommes soulagés que ce soit passé.

Jour 16 (24 novembre) – On repasse à la voile. Les journées passent vite et lentement à la fois, rythmées par les quarts et la préparation des repas. D’abord on fait la provision d’eau le matin avec le dessalinisateur, puis on confectionne le pain : pétrir, laisser reposer, pétrir de nouveau, laisser lever, puis mettre au four. Je cuisine beaucoup avec les filles, ça passe le temps, ça occupe les mains et l’esprit, et les bons petits plats tout comme les gourmandises contribuent au moral de l’équipage ! Cookies, gaufres, gâteaux, crêpes… rien ne nous arrête ! J‘ouvre la carte « joker » donnée par Cécile avant de partir, celle à ouvrir seulement en cas de coup de blues… J’ai le cœur qui bat plus fort en déchirant l’enveloppe, et le sourire qui vient aux lèvres en la lisant. Quelle délicate attention. Tu, Vous, me manquez terriblement mais je pense aussi très fort où jour on l’on se retrouvera, on aura tellement de choses à se raconter !

Jour 17 (25 novembre) – Au lever du soleil, ça mord ! Une première touche décroche, de toutes façons Seb n’arrivait pas à la remonter. La 2e touche est la bonne ! Nous n’avons pas identifié ce poisson, mais il était très bon ! Ca tombait à point car nos vivres ont sérieusement diminué et je me demandais que faire à manger pour midi. En fin d’après-midi on attrape un beau thon ! C’est notre jour de chance ! En fait on n’avait pas mis les lignes jusqu’à présent car on traînait le bout et l’hélice de l’hydrogénérateur.

Jour 18 (26 novembre) – La matinée est occupée à la confection de sushis au thon ! Malgré les cours de Kelly à Ténérife, on galère un peu ! Kelly est la directrice de la chaîne « Sushi Daily » et elle fait partie du rallye, vous y croyez ? Bref, autant dire une pro ! Après avoir tout préparé, une vague traitresse fait valdinguer une assiette, argh ! Bon, la présentation n’est pas au top mais on se régale quand même. L’après-midi je fais des crêpes avec les deux œufs qui me restent. Si tout va bien, on devrait arriver demain. Depuis hier soir nous avançons au moteur car il n’y a pas de vent (mais quand même de la houle, un comble !). On n’a pas vraiment eu de chance avec les alizés, dommage. Les puristes diront qu’il faut attendre le mois de décembre pour trouver les alizés. Je crois surtout que c’est le hasard ou la chance, et que les marins ne sont jamais satisfaits de la météo ! Moi je suis surtout soulagée de ne pas avoir eu à affronter de tempête, et de n’avoir rien de cassé sur le bateau. En fin de journée on s’offre une douche avec un pulvérisateur et c’est divin ! Nous n’avons plus d’eau douce dans notre réservoir, il est temps qu’on arrive. On aura quand même tenu 18 jours à 6 avec 350 litre d’eau. Savez-vous que 350 litre, c’est la consommation journalière moyenne par personne dans les pays industrialisés ? Dernier quart de nuit… Celui-ci a une saveur particulière. Dernière ligne droite, j’ai du mal à réaliser que nous touchons presque au but. Dans quelques heures nous apercevrons la Barbade pour de vrai et pas seulement sur la carte. Quelques heures encore et nous pourrons marcher sur la terre ferme !

Jour 19 (27 novembre) – Nous souhaitons en pensée un très joyeux anniversaire à Thomas ! Mes trois filles chéries n’ont pas oublié ma fête et m’ont préparé un cadeau surprise avec carte, marque-page et dessin. Double cadeau car c’est aujourd’hui que nous arrivons à la Barbade (c’est le GPS qui le dit !). Les filles ne tiennent plus en place et ont hâte de retrouver leurs copains et copines du rallye. Les adultes sont aussi impatients je dois dire ! L’après-midi semble interminable. A 17 h enfin on arrive au port de Bridgetown, accueillis par Jimmy Cornell et sa fille Doïna, ainsi que Pascale et Pascal. Le soir on ouvre le champagne, celui offert par Chantal et Jean-Pierre lors de la fête à Port-Leucate : « Vous l’ouvrirez à la Barbade ! » Voilà, c’est chose faite ! Nous trinquons à votre santé à tous, famille, amis, et vous remercions pour votre soutien. We did it !!!

L'équipage sur le départ
L’équipage sur le départ
Eléa prend son père en photo en haut du mât
Eléa prend son père en photo en haut du mât
Préparation de bouchées au chocolat blanc et noir
Préparation de bouchées au chocolat blanc et noir
Notre bouteille à la mer
Notre bouteille à la mer
Coucher de soleil sur l'Atlantique
Coucher de soleil sur l’Atlantique
Arc-en-ciel entre les cumulus
Arc-en-ciel entre les cumulus
Nos sushis au thon fraîchement pêché !
Nos sushis au thon fraîchement pêché !
Le dernier jeu de Maëlle avec sa poupée Juliette
Le dernier jeu de Maëlle avec sa poupée Juliette
Traversée Canaries – Cap Vert – Du 12 au 18 octobre

Traversée Canaries – Cap Vert – Du 12 au 18 octobre

Préparatifs, Voile, Voyage

Bien arrivés au port de Mindelo à Sao Vicente ! Nous sommes restés quelques jours et nous repartons aujourd’hui faire un tour des autres îles de l’archipel du Cap Vert, puis nous reviendrons à Mindelo début novembre. Plutôt qu’un récit journalier, je vous propose un carnet thématique de cette traversée.

Navigation et météo. Nous avons eu de bonnes conditions pour traverser, mais il nous a manqué un peu de vent. Les alizés n’étaient pas franchement au rendez-vous. Nous avons donc navigué pour moitié à la voile (les premiers jours) puis au moteur. Maskali se comportait bien au portant (vent et mer venant de l’arrière, qui nous poussent) et avançait parfois à plus de 7 nœuds. Nous avons fait de jolis quarts de nuit éclairés par la pleine lune. La mer était peu agitée, avec parfois une longue houle caractéristique de l’Atlantique. On a également eu une mer d’huile durant les moments de pétole (pas de vent du tout). Sébastien a pu tester le spi : c’est toujours une manœuvre un peu délicate et tout a bien marché. Ce qui est étonnant, c’est que nous avons navigué en solitaire, croisant à peine un ou deux bateaux, alors que tous les voiliers du rallye sont partis quasiment en même temps. L’océan est vaste et nous avons tous suivi des routes différentes pour aller au même endroit.

Mal de mer. Nous avons tous testé (sauf papy qui n’est jamais malade) un nouveau système anti-mal de mer élaboré par l’un des participants du rallye, et qui est en train d’être commercialisé : e-trigg. Il s’agit d’une pastille en métal de la taille d’une pièce de monnaie à coller sur la peau. Le concepteur reste énigmatique sur le procédé, mais il n’y a ni produit chimique ni effets secondaires. Vous pouvez lire l’article de Gaëlle (de Balanec) sur le sujet. Sébastien pense qu’il s’agit d’un placebo, mais le fait est que ça a plutôt bien marché sur nous ! Seule Eléa a vomi 2 ou 3 fois, mais rien à voir avec le début et son temps de récupération était beaucoup plus rapide.

Sommeil. Ce qui est difficile à gérer durant les longues traversées, c’est le manque de sommeil. Il faut faire marcher le bateau de jour comme de nuit. Bien sûr nous avons le pilote automatique qui tient bien le cap (mieux que nous !) mais il faut faire la veille, c’est-à-dire surveiller qu’il n’y ait pas d’autres bateaux ou d’obstacles sur notre route. Nous sommes trois à bord à nous relayer, donc nos quarts ne sont pas très longs (nous changeons toutes les 2 h). Mais il faut réussir à dormir avant et après son quart, ce qui n’est pas toujours évident. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, un voilier n’est pas silencieux, il fait même beaucoup de bruit en navigation : il y a les vagues qui tapent sur la coque, les voiles qui claquent, le bois qui craque, et puis le bruit du pilote automatique ainsi que du moteur lorsqu’il tourne. Et à l’intérieur, les bruits sont amplifiés.

Avaries. Peu de problèmes à déplorer, heureusement ! La veille de notre arrivée, le moteur a ralenti soudainement. Les filtres à gasoil étaient très encrassés et Sébastien a dû les nettoyer et les changer. Ensuite le moteur est reparti comme avant.

Energie. Nous avons pu constater que nous étions autonomes en énergie à bord. Le bateau est équipé de panneaux solaires et d’une éolienne qui nous permettent d’alimenter les deux frigos, les appareils électroniques (GPS, radar, navtex, iPad avec les cartes pour la navigation…), les lumières, le dessalinisateur et le pilote automatique. Nous avons également un hydrogénérateur (hélice tractée derrière le bateau qui fait tourner une dynamo) que nous installons la nuit afin de remplacer les panneaux solaires qui ne produisent plus d’énergie. Pour limiter la consommation, nous éteignons un des frigos durant la nuit. Bien sûr quand nous sommes au moteur, celui-ci recharge les batteries.

Cambuse. Avant une traversée, il faut anticiper ! La veille du départ nous avons fait de grandes courses au supermarché et au marché local pour les fruits et les légumes, qui sont ensuite rangés dans des filets ou des bacs aérés. En général, j’essaie de préparer à l’avance de quoi manger pour le premier jour, par exemple un cake salé et des œufs durs, ou bien une salade de riz. Eléa a rédigé une suggestion de menus pour la semaine. La mer étant plutôt calme, j’ai réussi à cuisiner normalement, comme à terre : quiche, gâteau, salade composée… Nous avons fabriqué notre pain, cuit au four dans une cocotte en fonte. Le premier n’a pas beaucoup levé, manquait de sel et n’était pas assez cuit… mais mangeable ! Le second était mieux réussi. Il faut vérifier tous les jours que les fruits et les légumes ne s’abîment pas. Le 3e jour je me suis aperçue que certains commençaient à se gâter. J’ai donc adapté les menus pour ne rien gaspiller : poêlée de légumes, salade de fruits, gâteau à la banane… Les œufs se conservent très bien et longtemps hors du frigo à condition de les retourner tous les 3 jours pour éviter que le jaune se colle à la coquille. Au final, je ne me suis pas trop trompée au niveau des quantités, il nous restait de quoi manger à l’arrivée. L’enjeu pour la traversée de l’Atlantique sera de conserver des produits frais pour au moins 15 jours, voire 3 semaines. Je n’ai guère envie de manger des conserves…

Eau. En mer et dans les îles où il ne pleut que 2 ou 3 fois par an, l’eau douce est particulièrement précieuse. Pas question de la gaspiller ! Nous sommes partis avec le réservoir plein d’eau douce, c’est-à-dire 350 litres. A l’arrivée il nous restait un peu plus de 100 litres. Nous avons donc eu une consommation raisonnable, mais il faudrait être encore plus économe. Cette eau (en général non potable – cela dépend des ports) sert à se laver les mains et faire sa toilette, se brosser les dents, cuisiner (quand elle est bouillie), laver la vaisselle… Pour l’eau potable, nous avons un dessalinisateur à bord. Tous les efforts de Sébastien pour le réparer n’ont pas été vains ! Il a très bien fonctionné. Il nous permet de remplir une bouteille en 2 minutes et nous assure de l’eau potable à volonté ! Sébastien a également installé une pompe à eau de mer. On peut ainsi laver la vaisselle à l’eau de mer et la rincer à l’eau douce. L’eau de mer peut même être utilisée pour la cuisson du riz et des pâtes ou la fabrication du pain. Attention toutefois à utiliser moitié eau de mer, moitié eau douce, sinon c’est beaucoup trop salé et amer !

Déchets et recyclage. En bateau, un autre point important est la gestion des déchets. Si nous ne voulons pas être envahis de poubelles, il faut trier. Nous avons 5 types de poubelles à bord : une « normale », une pour les déchets organiques, et les autres pour les matériaux recyclables (papier/carton, plastique, métal, verre). Rien d’exceptionnel à cela, la plupart d’entre vous font également le même tri à terre, avec un coin compost au fond du jardin ou sur le balcon. Lorsque nous sommes au large, nous pouvons jeter tout ce qui est biodégradable. Tout le reste est conservé jusqu’à ce qu’on arrive au port où, en général, des bacs de tri sont prévus.

Pêche. Les filles sont devenues des championnes de la pêche ! Nous avons eu de la chance durant cette traversée, les poissons ont bien mordu. Nous avons attrapé des petites daurades, ce qui a bien agrémenté les menus. La technique pour les tuer rapidement est de les aveugler avec un chiffon et de leur verser un peu d’alcool dans les ouïes. Cuites au four, c’est un délice !

Animaux rencontrés. Nous avons croisé des dauphins à plusieurs reprises ! Dès le 2e jour, à 8h30 du matin, un groupe de dauphins s’approchent du bateau. Maëlle est la première à les voir ! Nous allons tous à l’avant de Maskali pour les voir jouer et sauter à l’étrave, il y en a au moins une dizaine. Ils profitent de la vague créée par le bateau pour surfer. Ils nous accompagneront pendant au moins une demi-heure ! Les autres jours ils sont restés moins longtemps, sauf le dernier jour, en approchant du Cap Vert, c’était un vrai festival ! Juste au lever du jour, des dizaines de dauphins sont venus, nous offrant un florilège de sauts extraordinaires, des vrilles, c’était incroyable ! Nous avons également croisé une grande tortue nageant tranquillement à la surface de l’eau. Et une multitude de poissons volants ! D’ailleurs, les dauphins faisaient des bonds pour les attraper en vol ! Nous avons vu des oiseaux, même très loin de la terre, c’était étonnant. Je n’ai pas pu identifier les espèces, mais il y avait des petits oiseaux noir et blanc qui ressemblaient à des hirondelles, et d’autres plus grands proches des goélands.

Occupations. Les filles ont un peu avancé leurs cours du CNED ce qui est une bonne chose. Elles n’ont pas encore tout à fait rattrapé leur retard… Un peu de lecture, regarder les guides touristiques, écouter de la musique. Du dessin, des découpages. Ce qui est regrettable, c’est que les filles passent beaucoup de temps à se chamailler, comme à terre, ça n’a pas changé ! Elles se plaignent parfois de s’ennuyer en mer, mais j’essaye de leur expliquer que c’est un luxe de pouvoir s’ennuyer, cela veut dire que tout le champ des possibles est ouvert, que l’on a du temps pour rêver ou méditer…

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Du 2 au 4 septembre : de Madère à La Graciosa

Du 2 au 4 septembre : de Madère à La Graciosa

Voile, Voyage

Encore une traversée épique !

Jour 1. Nous quittons la marina Quinta do Lorde en fin de matinée. Non loin de la côte, on aperçoit deux grands ailerons et deux souffles. Cela semble plus gros que des dauphins. Sans doute des globicéphales, mais ils poursuivent leur route sans qu’on ait pu voir leur tête ! Il y a un peu de vent, on met le génois. Assez vite, une vilaine houle fait tanguer le bateau. Et rebelote, le mal de mer fait son retour. Cette fois-ci nous sommes tous malades, excepté papa. J’essaie de me reposer pour que ça passe. Nous longeons les Ilhas Desertas, qui portent bien leur nom : de gros cailloux de lave brun-ocre. Puis on met le cap vers La Graciosa, une île des Canaries. En fin de journée le vent mollit et Sébastien veut mettre un peu de moteur, oubliant qu’on a installé l’hydrogénérateur à l’arrière. Voilà que le bout se prend dans l’hélice qui se bloque. Plus de moteur. Après le premier problème du moteur et le pilote qu’on a dû réparer à Madère, une galère de plus ! Nous poursuivons à la voile pour la nuit malgré le peu de vent, pas le choix. On avance quand même à 3 nœuds. J’arrive à reprendre le dessus et surmonter le mal de mer. Je prends mon quart de nuit de 1h30 à 4h30. La nuit est noire, opaque. De gros nuages obscurcissent les étoiles. Dans l’eau, des paillettes scintillent : encore du plancton bioluminescent. J’adore ! Quelle ingéniosité de la nature ! S’il y a du plancton, c’est qu’il y a des baleines ! Mais elles ne se sont pas encore montrées… J’imagine la vie qui grouille sous l’eau, poissons et mammifères marins. J’aimerais avoir des branchies pour découvrir cette vie invisible. J’aime les quarts de nuit, un des rares moments de calme dans la journée. Les filles sont endormies et je n’ai pas à m’inquiéter pour elles. J’ai mon petit rituel : je me prépare un bon thé, je grignote un gâteau et j’écoute de la musique tout en surveillant l’horizon et la mer.

Jour 2. Au matin un groupe de dauphins tachetés viennent nous rendre visite et sautent à côté du bateau ! Ils sont superbes ! Vers 10h30, Sébastien enfile sa combinaison de plongée, s’attache et se met à l’eau pour essayer de démêler le bout. D’abord en apnée mais il y a trop de houle et de courant, il boit la tasse. Impossible de rester longtemps sous l’eau pour travailler. Il sort donc sa bouteille de plongée. Je ne suis pas tranquille : c’est sa première plongée depuis qu’il a passé le niveau 1 en juillet à Port-Leucate. Mais tout se passe bien et le bout est sorti. Le moteur peut redémarrer. Heureusement, car il n’y a plus du tout de vent ! Dans l’après-midi, nous croisons encore quelques dauphins à plusieurs reprises. Parfois ils jouent un moment autour du bateau, d’autres fois ils poursuivent leur route au large. C’est toujours un immense bonheur pour moi de les voir s’approcher du bateau. Quart de nuit similaire à celui de la nuit dernière. Sauf que nous sommes au moteur, c’est moins agréable d’avoir ce bruit lancinant.

Jour 3. Nous sommes impatients d’arriver à La Graciosa ! Il n’y a toujours pas de vent, nous avançons au moteur. En début d’après-midi, les contours de l’île se dessinent entre les nuages. On aperçoit également Lanzarote derrière. La Graciosa est une île allongée et plate d’où s’élèvent quatre volcans. Il faut montrer patte blanche pour y accéder : le mouillage est soumis à une autorisation préalable car l’île fait partie d’une réserve naturelle. Vers 17h nous jetons l’ancre devant la Playa Francesa. L’eau est limpide et turquoise, on a qu’une seule envie : plonger ! A peine arrivés, les filles se baignent autour du bateau. Puis nous allons sur la plage en annexe. On pourrait s’attendre à trouver du sable noir sur cette île volcanique, mais non, ici le sable est blanc et fin. Nous retrouvons nos nouveaux compagnons de route, rencontrés à Madère : l’équipage de Balanec. Oh, bonheur, ils ont deux filles de 5 ans et 8 ans et demi ! Ils font partie du rallye « Barbados 50 » comme nous. Gaëlle est journaliste et tient également un blog de voyage !

 

Du 19 au 24 août : récit de notre traversée de Gibraltar jusqu’à Madère

Du 19 au 24 août : récit de notre traversée de Gibraltar jusqu’à Madère

Voile, Voyage

Jour 1 : le passage du détroit de Gibraltar. Le capitaine a calculé les heures de marée et les courants. On quitte la Marina d’Alcaidesa vers 10h30 et on s’arrête au port de Gibraltar pour faire le plein de gazoil, beaucoup moins cher là-bas. Puis on s’engage dans le détroit, peu engageant à vrai dire, la mer moutonne et il y a du vent. On zigzague entre les pétroliers et les porte-conteneurs amarrés là. Mais une fois passée la baie, il y a finalement peu de bateaux et le détroit est plus large que ce que j’imaginais. On avance tranquillement et on passe devant Tarifa. Vers 17h les difficultés commencent, on avance de moins en moins vite. Malgré nos prévisions, nous sommes face à des courants puissants, dans une marmite. Choc de la mer et de l’océan. Le voilier a une vitesse de 5,5 nœuds et pourtant on fait du sur place. On est comme sur un tapis roulant qui nous fait reculer. Pendant plus de 3h nous sommes devant le même paysage d’éoliennes. Impression étrange. Il y a peu de vent et pourtant la mer se soulève, poussée par des forces impressionnantes. A un moment le bateau se met à reculer. Le moral en prend un coup. Derrière nous, des rouleaux qui avancent, on pourrait presque surfer dessus. Faudra-t-il attendre la prochaine marée pour être libérés de ces courants ? Pendant combien de temps va-t-on encore reculer ? Vers 21h enfin on sort de cette zone de courant : 0,5 nœuds, puis 2 nœuds, ouf, c’est gagné, on avance de nouveau. On a 600 milles à parcourir pour rejoindre Madère.

Jour 2 : l’Atlantique. Au matin on ne voit déjà plus aucune côte. L’horizon à 360°. Autour de nous, que du bleu. Il y a du vent comme il faut, on avance à la voile, vent de travers. Mais une houle large nous prend sur le côté, c’est très inconfortable. Maëlle et Eléa sont de nouveau malades. Je nous croyais amarinés, mais non, pas encore. Je lutte pour ne pas être malade à mon tour, le cœur au bord des lèvres. Galettes de riz, biscottes, bananes… manger par petites bouchées. Mastiquer longuement. Regarder l’horizon. Vider les bassines à tour de bras (attention, les filles ont chacune leur couleur et je ne dois pas me tromper !). Réconforter autant que possible. Seb succombe à son tour. C’est donc cela l’Atlantique ! C’est notre bizutage de marins en herbe. On croise un énorme ferry. Mathilde de dire : « Eux ils sont tranquilles, je suis sûre qu’ils ne sentent même pas les vagues, ils sont bien confortables. Demain ils verront déjà la côte. Nous, c’est Koh-Lanta, on a le vent, les vagues, on survit sur le bateau ! » Un peu excessif peut-être… Ce n’est pas la croisière s’amuse, mais on rit bien quand même des blagues et des charades de papy !

Jour 3. Alors que je dors profondément dans le carré, une vague traîtresse m’éjecte de ma couchette et je tombe comme une masse : réveil brutal et douloureux. J’ai l’impression d’avoir pris un coup de poing dans le nez et j’ai le goût du sang dans la bouche. Finalement ce n’est pas si grave, je n’ai pas le nez cassé. Juste une entaille sur le haut du nez et un cocard à l’œil. Mais je suis sonnée. Tout ça parce qu’on n’a pas encore installé la toile antiroulis. Sébastien passe l’après-midi dans la cale pour essayer de réparer le moteur, en vain. Il est encore plus malade. Mathilde commence à faire des quarts. Dans la nuit, on est à la moitié du trajet. Durant mon quart, j’ai l’impression d’entendre le chant des baleines, mais non, ce n’est que le vent dans l’éolienne.

Jour 4. 7h. Papa vient me réveiller pour prendre mon quart. J’ai dormi 3h cette nuit. S’extirper de sa couchette. Enfiler sa salopette, sa veste, son harnais, son gilet de sauvetage. Nouvelle routine. Les nuits sont fraîches et au petit matin tout est humide, moite. Deux thés renversés. Apprendre à mesurer ses gestes, aller lentement. Se tenir tout le temps pour ne pas tomber. Ne pas se cogner ; j’ai déjà des bleus partout. Apprendre à patienter. Guetter la moindre trace de vie : un vol d’oiseau, des calamars et des bancs de poissons qui nagent à côté du bateau et sautent de temps en temps. On croise une tortue. Tout ce qui vient rompre la monotonie des vagues nous rend heureux ! Je prépare notre premier pain ce matin. A midi on peut humer la bonne odeur de pain chaud… et le déguster avec appétit ! Sébastien réussit à réparer le moteur.

Jour 5. J’ai très mal dormi. Mais il faut se lever quand même, faire son quart et s’occuper des filles. Bonne nouvelle : aujourd’hui elles ne sont pas malades et retrouvent l’appétit. On réussit même à potasser les guides de Madère. Le moral remonte. Si on a toujours du vent avec nous, on devrait arriver à Madère demain soir. La soirée finit bien avec un groupe de dauphins qui font de jolis sauts à côté du bateau. Je fais mon quart de nuit de 2h à 4h du matin. La mer est calme, le bateau glisse doucement. Je me sens bien. Mon corps suit les mouvements du bateau sans résistance. La nuit est noire, la lune est cachée par les nuages. J’aperçois des points brillants dans le sillage du voilier : du plancton luminescent. Comme des poussières d’étoiles tombées sur la mer.

Jour 6 : terre en vue ! Au petit matin on aperçoit la silhouette de l’île de Porto Santo. Madère n’est plus très loin ! Pour fêter ça, je fais de la cuisine avec Maëlle : un gâteau à la banane et une omelette au jambon. Nous sommes tous impatiens d’arriver. La côte volcanique est superbe. A 17h30 (heure locale – il y a une heure de décalage) nous arrivons au port, à la Marina Quinta do Lorde. Je saute sur le ponton ; que ça fait du bien de se dégourdir les jambes ! Enfin arrivés ! Une sorte de répétition générale avant la grande traversée. Il y a eu quelques moments difficiles, mais dans l’ensemble nous avons eu des bonnes conditions météo et le vent avec nous. Une bonne douche et un dîner au restaurant. Ce petit port est charmant ! Nous allons y rester une semaine et louer une voiture pour visiter l’intérieur de l’île.traversee_Gibraltar_Madere_2 détroit de Gibraltar coucher de soleil Atlantique calamar

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