L’école est finie !

L’école est finie !

École, Voyage

Depuis que nous avons posté les dernières évaluations du CNED (Centre national d’enseignement à distance), les filles sont officiellement en vacances, et nous, parents, également ! Je sais que cela va vous faire sourire, tant notre périple ressemblait à de longues vacances ; et pourtant, interrogez les filles et elles vous diront que c’était bien fastidieux de faire l’école sur le bateau. Nous avons opté pour le CNED « en classe complète à inscription réglementée », ce qui équivaut à une année scolaire classique avec l’aval de l’inspecteur d’Académie avant le départ et des évaluations à rendre tous les mois. Autant dire que nous avons mis la barre assez haute. Dans mon entourage, avant de partir, certains m’ont conseillé de faire l’école buissonnière, mais je n’arrivais pas à assumer ce choix et prendre le risque de les mettre en difficulté scolaire à notre retour. Je ne me sentais pas capable non plus d’assurer toute seule l’instruction des filles sans support, surtout pour le collège. En rencontrant différents équipages, certains ont fait d’autres choix : le CNED en inscription libre, les cours proposés par l’Académie en ligne, des manuels conseillés par des enseignants, des méthodes personnelles… Quelle que soit la solution choisie, il y a consensus sur le fait que faire l’école en mer, c’est souvent la galère ! Pour les parents comme pour les enfants. Certains ont abandonné le CNED en cours de route, d’autres ont même abrégé leur voyage pour rescolariser leurs enfants. Quelles sont donc les raisons de ces difficultés ? Pour les enfants, congés sabbatiques riment avec grandes vacances, or nous ne sommes pas en vacances mais en voyage, nuance ! Un voyage avec instruction incluse. Mais quand on a la mer, la plage et les cocotiers sous le nez, c’est difficile de se motiver à travailler. Difficile également d’imposer un rythme de travail régulier. Chez nous c’est en général 2 à 3 h de travail tous les matins, samedi et dimanche compris. Mais il y a forcément des exceptions : les jours d’excursions à terre, les jours où la mer est trop agitée, les jours où elles ont le mal de mer… et patatras, le rythme qu’on avait instauré vacille et ensuite c’est encore plus dur de s’y remettre. Ce qui a pêché à bord, c’est vraiment la motivation : se mettre au travail et rester concentré alors qu’il y a tant d’autres tentations.

Avant de partir, je me faisais une joie d’endosser le rôle d’enseignante, même si je me doutais bien que ça ne serait pas rose tous les jours. Mes filles sont studieuses et n’ont pas eu de difficultés scolaires jusqu’à présent, donc je ne pensais pas me heurter à de réelles difficultés. Imprégnée des pédagogies Montessori, Freinet ou autre, je me disais naïvement que ce voyage serait en même temps l’occasion d’apprendre différemment, d’appréhender concrètement certaines notions « sur le terrain » (et ce fut le cas ponctuellement). Force est de reconnaître que la réalité fut très loin de cette image idéale, et que je suis une piètre pédagogue, manquant de patience, trop exigeante… Même avec la meilleure volonté du monde, la pédagogie ne s’improvise pas ! Au passage, je tire mon chapeau à tous les enseignants de la terre. Au départ, j’ai essayé de mettre une distance en expliquant aux enfants que je mettais ma casquette d’enseignante, mais ça n’a pas fonctionné, je restais toujours et avant tout « maman ». Et on ne se comporte évidemment pas de la même manière avec sa maman (ou son papa) qu’avec  sa maîtresse ou son prof. Certains jours, j’étais confrontée à un mur : « Non, je ne veux pas faire le CNED ! » ou bien à une mauvaise foi flagrante, et un manque d’enthousiasme désarmant…  Difficile alors de garder un calme olympien ! Clairement, il leur manquait aussi les copains et les copines, l’émulation de la classe. Beaucoup d’équipages ont rencontré les mêmes difficultés (c’est tout de même rassurant !) mais c’est vraiment dommage que les rapports parents-enfants soient si conflictuels dès qu’il s’agit de faire l’école. Je comprends pourquoi Géraldine Danon et Philippe Poupon ont choisi d’avoir un précepteur à bord de Fleur Australe.

Que dire du CNED en lui-même ? Les cours sont globalement bien faits quoique assez ardus ; les fascicules ressemblent à de gros cahiers de vacances (pour le CM1 surtout) bien pensés pour un travail en autonomie, mais peu adaptés à un programme de navigation et de voyage. Pour le collège les cours sont trop denses, il faudrait un cursus allégé qui va à l’essentiel, mais je suppose que les voyageurs ne représentent qu’un faible pourcentage des usagers du CNED. La première difficulté est d’acquérir les fameux fascicules  (de plusieurs kilos tout de même !) qui ne sont prêts généralement qu’en septembre, alors que la plupart des navigateurs ont déjà quitté la terre ferme. Il faut obligatoirement une personne relais en France qui récupère les colis et les renvoie, mais où ? Au passage, merci à maman de s’être attelée à cette tâche ! Rappelez-vous notre premier colis bloqué à la douane à Madrid, arrivé de justesse aux Canaries…. Sans compter qu’il y a plusieurs envois (2 à 3 colis) dans l’année. De fait, le temps de tout recevoir, les enfants commencent en retard et ça met déjà une pression inutile. La deuxième difficulté est de pouvoir se connecter à Internet. Dans les nouveaux programmes de CM1, il y a beaucoup de cours et d’exercices en ligne que nous avons dû « zapper », faute de connexion permanente et de Wi-fi. La 3e difficulté est le calendrier des évaluations, que nous n’avons jamais réussi à respecter d’ailleurs ! Lorsque la date fatidique approche, la pression monte. Au début je scannais les devoirs puis envoyait les fichiers à corriger en ligne pour essayer de gagner du temps. Mais je me suis arraché les cheveux plus d’une fois avec un Wi-fi trop lent, le site du CNED qui rame, les fichiers qui plantent en milieu de téléchargement… J’ai ensuite envoyé les copies par voie postale, croisant les doigts pour que l’enveloppe arrive à destination. Bon an, mal an, les filles ont quand même « fait leur CNED » tout au long de l’année et obtenu de très bons résultats. Je serais bien en peine de conseiller telle ou telle solution à tous les candidats au voyage ; juste de s’armer de patience et de rester zen…

Heureusement, durant notre voyage l’instruction ne s’est pas limitée aux cours du CNED. Nos visites culturelles ont été très enrichissantes, parfois avec des guides hauts en couleurs et très sympathiques. Quand les notions théoriques se joignent à la réalité du terrain, c’est fantastique, tout devient plus clair et vivant. Par exemple au programme de 4e Mathilde a étudié les volcans en SVT, le commerce triangulaire, la colonisation et la fin de l’esclavagisme en histoire, ainsi que les flux maritimes, la surpêche et la mondialisation en géographie (en passant à Gibraltar, on comprend aisément de quoi il s’agit !). Bref, des sujets qui coïncidaient parfaitement à notre périple ! Nos différentes escales dans les îles lui ont sans doute permis d’appréhender tout cela de manière plus pragmatique. Comme dit le dicton, « les voyages forment la jeunesse » : les filles ont appris bien des choses au-delà des matières scolaires, des choses non quantifiables, et elles ont développé d’autres compétences. Nous espérons avoir semé dans leur esprit quelques graines qui, à l’âge adulte, porteront leurs fruits.