Du 8 au 25 mai : traversée Bermudes – Açores

Du 8 au 25 mai : traversée Bermudes – Açores

Voile, Voyage

Nous sommes bien arrivés à Horta, après 17 jours de mer. Retour sur cette belle traversée… Lundi 8 mai nous récupérons notre génois en fin de matinée, bien recousu. Sébastien a aidé le couturier chez le maître voilier pour finir. L’après-midi nous finissons de préparer le bateau et allons à la douane faire la « clearance out » et payer le port. Au passage nous achetons deux jerricans de gazoil supplémentaires, au cas où. Nous larguons les amarres peu avant 18 h, et assistons à un magnifique coucher de soleil. La météo avait prévu zéro vent, mais il y a finalement une petite brise qui nous permet d’avancer à la voile. La première nuit se passe très bien, même si je lutte pour rester éveillée durant mon quart, de 2 h à 5 h. La pleine lune m’accompagne. Notre escale aux Bermudes s’est avérée bien agréable (après notre déconvenue avec la douane en arrivant !) et ce n’est pas facile de reprendre le large, ça a cassé le rythme. Je sais que nous allons être de nouveau vaseux et léthargiques durant 2 ou 3 jours, le temps de nous réamariner. Au matin, vers 9 h, un groupe de dauphins s’approchent du bateau et restent jouer à l’étrave. Quelle fête ! Nous les attendions avec impatience ! Le peu de vent retombe, il faut mettre le moteur. Il y a une houle large qui fait tanguer le bateau, c’est assez inconfortable. Les jours passent et se ressemblent, une routine s’installe avec nos quarts. Toutefois, chaque journée est différente selon le vent et la mer, et influe sur notre comportement, nos émotions. Nous sommes à la merci de ces deux éléments. Ciel dégagé, mer calme et brise régulière : c’est la sérénité ; Maskali file et nous sommes confiants. Des nuages sombres, des grains qui se profilent à l’horizon, et nous sommes sur nos gardes : il faut surveiller l’anémomètre et réduire la voilure pour ne rien casser. La météo est à la fois notre alliée et notre ennemie. Le 5e jour, nous devons passer deux fronts de perturbation successifs. Durant la nuit l’anémomètre s’affole, il y a des rafales jusqu’à 43 nœuds. On prend de la pluie et des paquets de mer dans la figure. Sébastien est toujours sur le pont, sur le qui-vive, il veille. Là, nous nous sentons plus vulnérables : nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes et sur Maskali, si vaillant, qui affronte les vagues sans sourciller. C’est notre bulle, notre refuge, notre cocon qui nous protège des assauts de la mer et du vent. Retour au calme, sérénité retrouvée, le plus dur est passé : le soleil pointe son nez et réchauffe nos habits trempés et nos corps éprouvés. Vivre en mer, c’est s’adapter à tout cela, c’est être en osmose avec la nature, belle, sauvage, imprévisible. C’est se couler dans le rythme du soleil et de la lune. Même la plus belle des photographies ne traduira jamais l’intensité d’un lever de soleil à l’horizon, quand les nuages s’embrasent, quand la mer se pare de reflets dorés, quand le ciel se zèbre de rose, de violet et d’orangé, jusqu’à ce que l’astre fasse son apparition et éclaire le ciel de ses rayons. Voir se lever et se coucher la lune est également une expérience inoubliable. Et que dire de la voûte céleste, de ses milliers d’étoiles qui semblent veiller sur nous ? La mer est changeante, tour à tour impétueuse, fougueuse, alanguie… Elle nous apprend l’humilité. Au fil des jours, l’air devient plus vif et le froid se fait sentir. La nuit nous superposons les couches de vêtements : tee-shirt ou sous-pull, pull, polaire, leggins, pantalon et veste de quart, bottes, sans oublier l’écharpe et le bonnet. Et par-dessus tout cela, le gilet de sauvetage. Quel attirail ! Même la journée, nous restons souvent emmitouflés. A l’intérieur du bateau, tout devient humide. A partir du 10e jour, nous voyons beaucoup de dauphins, presque tous les jours et même plusieurs fois par jour. Parfois juste de passage, d’autres fois joueurs, ils nous accompagnent un moment, nous offrant quelques sauts spectaculaires. Nous avons également  eu la chance d’apercevoir d’autres mammifères marins : un cachalot à deux reprises (dos et souffle), une baleine à 20 mètres de Maskali avec un plongeon nous laissant voir sa queue, et même deux dauphins de Risso nageant à la surface. Nous avons aussi croisé deux tortues et des oiseaux, même très loin de toute côte. Mais nos principaux compagnons de route sont des petites méduses appelées argonautes ; dans le jargon marin, on les appelle aussi « caravelles portugaises » car elles sont munies d’une petite voile rose et bleutée, translucide, qui leur permet de se déplacer sur l’eau. Côté pêche par contre, c’est le néant, pas une seule touche ! Au départ et durant plusieurs jours la mer était couverte d’algues qui se prenaient dans l’hameçon, et ensuite, rien de rien. Nous croiserons plusieurs bateaux, dont un catamaran à 80 milles de l’arrivée. 20 avril : nous pensions être proches de l’arrivée à cette date, Muriel aurait dû prendre son avion retour… mais Faial est encore très loin. Pour éviter le mauvais temps nous avons fait route vers le sud, ce qui fait des milles supplémentaires. Et notre vitesse de croisière dépasse rarement 5 nœuds. De nouveaux fronts de perturbation sont prévus. 2 3 avril : nous avons passé les fronts ; c’était costaud mais le soleil est de retour. 25 avril : à midi il nous reste 50 milles à parcourir, on risque d’arriver à la nuit. Deux heures après, les côtes des Açores se dessinent dans la brume, enfin la terre ! Au coucher du soleil, le Pico, volcan de l’île voisine de Faial, se dresse fièrement entre les nuages. La nuit commence à tomber et des dauphins viennent encore jouer à l’étrave. Nous nous préparons à arriver de nuit au port d’Horta. Des centaines de petits points lumineux comme des guirlandes accrochées sur la terre, les façades blanches des églises, nous y sommes ! Juste avant d’entrer dans le port, lorsque nous affalons la grand voile, le hale bas rigide lâche : il fallait bien qu’on ait un pépin au dernier moment ! Encore une réparation à prévoir. Le gardien de nuit de la marina nous fait des signes avec sa lampe : nous nous amarrons à couple de deux autres bateaux au quai d’accueil. Il est 23 h. Ca y est, nous avons gagné nos jalons de navigateurs au long cours, nous avons traversé deux fois l’Atlantique à la voile. Et ça se fête : nous ouvrons une bouteille de champagne en cherchant un vol retour pour Muriel. Pour la première fois, j’ai le sentiment d’avoir accompli quelque chose de grand, de beau, d’essentiel. Une chose qui, à priori, ne m’était pas destinée. Je le dis en toute modestie, moi qui n’ai pas vraiment le profil d’une navigatrice : pas sportive, un peu timorée, pas spécialement l’aventure chevillée au corps. Mais j’ai réussi, NOUS avons réussi car bien évidemment  nous avons accompli cela tous les six et n’aurions pas pu le faire sans l’aide des uns et des autres. Chapeau bas au capitaine bien sûr, qui a assuré, à Muriel ma grande sœur, une équipière hors pair, et à mes trois filles chéries qui ont fait leurs cours et se sont armées de patience. C’est une expérience à part, unique, inoubliable, et une aventure intérieure dont on ressort grandis.

dauphins
Nos amis les dauphins !
argonaute
Les « caravelles portugaises » nous accompagnent durant toute la traversée.
Muriel à la barre.
Muriel à la barre.
soleil
Lever de soleil sur l’Atlantique.
mer
Un grain qui arrive sur nous à grande vitesse.
5 mai : arrêt imprévu aux Bermudes

5 mai : arrêt imprévu aux Bermudes

Voile, Voyage

Nous n’avions pas prévu de nous arrêter aux Bermudes, mais un avis de coup de vent s’annonçait alors nous avons préféré jouer la carte de la prudence et faire une halte en attendant le retour au calme. Par ailleurs, le génois s’étant décousu durant la navigation, cela nous permet de le faire réparer chez un voilier. Notre traversée Bahamas – Bermudes s’est déroulée sans encombre et l’équipage au top, à peine deux petits vomis pour Eléa et Maëlle ! Muriel s’est amarinée très vite. Après 7 jours de navigation, nous arrivons au petit matin aux Bermudes. Passage obligé à l’immigration et à la douane, il y a un quai d’accueil prévu pour cela devant leurs bureaux. L’agent est plutôt sympathique, nous remplissons nos dix formulaires comme d’habitude et réglons les frais d’entrée, tout est en ordre. En plus, par chance nous rencontrons la gérante des marinas, toutes archicombles, mais quand nous lui disons que nous avons trois enfants, elle finit par nous trouver une place en bout de ponton. Alors que nous sommes sur le point de partir, l’agent des douanes nous interpelle et nous soupçonne de fumer des substances illicites : en rentrant dans le bureau, sa chef a trouvé qu’il y avait une odeur de shit et comme nous étions les derniers à y être entrés… Ils veulent vérifier que nous n’en n’avons pas sur le bateau. Je crois rêver, moi qui n’ai jamais rien fumé de ma vie ! Nous faisons monter l’agent à bord qui ne constate rien d’anormal, mais sa chef insiste et nous apprend qu’ils vont faire venir un chien pour vérifier. Nous tombons des nues ! Avons-nous à ce point des têtes de hippies ? Pas lavés, pas rasés, certes… Je commence à prendre peur, va-t-on devoir vider le bateau ? et si c’était un complot pour nous faire payer une amende? et s’ils trouvaient autre chose à redire ? Nous sommes bloqués là, attendant la suite des événements. Le berger allemand finit par arriver avec trois agents gantés qui inspectent le bateau, et ne trouvent rien évidemment. Le premier agent qui s’était occupé de nos papiers nous fait de plates excuses et nous laisse repartir… Excès de zèle ? Nous nous dépêchons d’aller nous amarrer à notre bout de ponton. Passée cette angoissante arrivée, nos découvrons St Georges, une ville charmante avec des maisons coquettes de toutes les couleurs et des jardins fleuris. Nous en profitons pour compléter notre avitaillement en produits frais, fruits et légumes. Et puis il y a toujours des choses à bricoler sur le bateau ! En gros, nous avons fait à peu près un tiers du trajet, il nous reste maintenant les deux tiers pour rejoindre les Açores, soit 1800 milles. Au fait, il se trouve que le site du rallye continue à enregistrer notre position sur la carte, alors si vous avez envie de voir où se trouve Maskali, c’est encore possible ! Départ prévu lundi 8 mai, après avoir récupéré notre génois !

Bermudes
Les fameux bureaux de l’immigration à Ordinance Island, à gauche.
Bermudes
Toits blancs, cheminées et maisons colorées, voilà l’architecture bermudienne.