Nous passons deux jours extraordinaires dans le Parc national de Los Haïtises, au sud de la péninsule de Samana. Ce parc est un dédale de dômes calcaires recouverts de végétation où nichent des oiseaux (frégates, pélicans, aigrettes…) et nous naviguons dans à peine 2 mètres d’eau (parfois même 1 mètre, heureusement que l’Ovni a un faible tirant d’eau !) en serpentant entre ces îlots. Le paysage a des airs de la baie d’Halong (du moins l’idée que je m’en fais !). Nous sommes tout seuls (rejoints un peu plus tard par Tuva’u) et jetons l’ancre près de grottes autrefois fréquentées par les indiens Taïnos, premiers habitants de l’île. « Haïti » signifie « zone montagneuse » en langue taïno. Nous partons en annexe à travers la mangrove pour visiter une première grotte, la Cueva de la Linea, et admirer les peintures rupestres que les Taïnos ont laissées. Tels des explorateurs, nous éclairons les murs de la grotte avec notre lampe torche et observons avec émotion ces pictogrammes naïfs. Pour la deuxième grotte, la cueva de la Arena, c’est le ranger du parc qui nous guide : quelques peintures rupestres encore, mais aussi des gravures dans la pierre et beaucoup de chauve-souris. Maëlle voulait en voir, elle n’est pas déçue ! Ces grottes faites de stalactites sont splendides et il est facile d’imaginer que les indiens Taïnos venaient s’y recueillir ou pratiquer des rites. Ces grottes en bordure de parc en cachent des centaines d’autres, impénétrables. Daniel, je repense aux Secrets d’Escondida et j’ai l’impression d’être dans le paysage de ton roman : t’es-tu inspiré de cet endroit ? Après une nuit paisible, nous sommes réveillés par le chant des oiseaux. La mer est toute plate, d’un calme absolu ; quel sentiment de plénitude face à cette nature vierge ! On aimerait se baigner mais il y a des centaines de méduses… elles sont peut-être inoffensives, mais dans le doute, nous préférons nous abstenir. Nous partons en annexe découvrir le Cano Hondo : il faut environ 25 minutes à travers la mangrove, les oiseaux s’envolent sur notre passage, c’est féérique. Puis une petite promenade à pieds le long d’une rizière et de plantation de caféiers nous mène à un complexe hôtelier parfaitement intégré dans la nature. Le « paradiso de Cano Hondo » est fait de blocs de pierres empilées et entouré de petites piscines d’eau douce aménagées en cascades sur un cours d’eau, au milieu d’une végétation luxuriante. Un véritable bain de jouvence !
5 avril : la péninsule de Samana et Las Terrenas
Nous sommes à la Marina Puerto de Bahia et profitons du confort de ce complexe hôtelier très chic avec une belle piscine. Nous y retrouvons deux bateaux-copains : Tuva’u et Ourialys. Nous louons une voiture une journée pour aller de l’autre côté de la péninsule de Samana, à Las Terrenas. Sur la route, nous sommes sous le charme des paysages qui s’offrent à nous : des vallées verdoyantes, des centaines de cocotiers, des villages aux maisons colorées, des ranchs avec des chevaux… La plupart des dominicains roulent en deux roues, à trois sur la même monture, et sans casque. On entend de la musique à fond à tous les coins de rue et il n’est pas rare de voir des gens se mettre à danser ! J’avais une image préconçue de la République dominicaine, classée dans les îles sans grand intérêt dédiées au tourisme de masse… quelle erreur ! En dehors des grands hôtels, il règne une atmosphère particulière qui rend cette île très vite attachante. Les gens ont toujours le sourire et ont à cœur de nous faire découvrir les beautés de leur île. Les grandes plages de Las Terrenas sont superbes. La République dominicaine est vraiment grande comparée aux confettis des BVI que nous venons de quitter, et nous regrettons de ne pas avoir plus de temps pour découvrir cette île plus en profondeur.
2 au 4 avril : traversée des BVI à la République dominicaine
C’est parti pour deux jours et deux nuits de navigation ! Les distances entre les îles s’allongent maintenant, cela faisait longtemps que nous n’avions plus navigué de nuit. Mais on retrouve vite nos habitudes ! Quelques heures après notre départ, ça mord, et c’est du lourd : un mahi-mahi ou daurade coryphène ! Ce poisson a une forme vraiment caractéristique avec son front bombé et sa longue nageoire dorsale, et surtout, il arbore des couleurs magnifiques sous l’eau : turquoise flashy et jaune d’or. Sébastien le tient en bout de ligne le long du bateau, tandis que je dois le harponner avec un crochet pour le remonter à bord. Je déteste ce rôle de bourreau, même si j’ai bien envie de la manger, cette daurade ! Elle est splendide et se débat fièrement. Je dois m’y reprendre à plusieurs fois, et plus Seb crie : «Vite, on va la perdre ! Tu croches et tu tires, c’est pas compliqué ! », plus je tremble ! Mais on finit par y arriver… Le spécimen mesure un bon mètre, c’est notre plus belle prise depuis que nous naviguons. Poséidon a fait un beau cadeau à Seb pour son anniversaire ! Les filles sont surexcitées et salivent déjà en pensant aux sushis ! J’ai le souvenir, enfant, d’avoir été moi-même éblouie par ce poisson pêché par mon père aux Antilles. Mais en quelques minutes, il perd ses jolies couleurs. C’est à Seb que revient la lourde tâche de le vider et le préparer : cinq grosses darnes et le reste en filets. De quoi faire plusieurs repas ! Pour le dîner nous préparons, comme à notre habitude, des sushis et makis. J’essaye également une recette de tartare à la mangue, délicieux ! Le lendemain, je fais cuire les darnes à la sauteuse avec des oignons et des tomates, accompagnées de coquillettes. Les derniers filets seront cuits au four à notre arrivée ! Après cette belle prise, nous rangeons les cannes à pêche car nous ne pourrions pas conserver plus de poisson dans le frigo. La traversée se passe bien, avec pas mal de moteur car il y a peu de vent. Lorsque nous arrivons dans la presqu’île de Samana, je scrute pour tenter d’apercevoir des baleines. En effet, cette baie est connue pour être le lieu de reproduction des baleines à bosse, de fin décembre à fin mars. Y aurait-il quelques retardataires ? Mais non, elles sont déjà reparties… Il y a tout de même trois dauphins qui viennent nous saluer, mais ils repartent assez vite. Je regrette vraiment d’avoir manqué une si belle occasion de voir des baleines (je n’avais pas lu le guide avant et j’ai découvert cette information juste avant la traversée), mais ça sera une excellente raison de revenir en République dominicaine !
1er avril – Jost Van Dyke
Cette île doit son nom à un corsaire hollandais, Joost van Dyk. C’est notre dernière escale aux BVI, avant d’aller en République dominicaine. Nous retrouvons l’équipage d’Ourialys au mouillage et les enfants jouent ensemble à la plage.
Scoop : deux sirènes aperçues sur un rocher !
La transformation a eu lieu ce matin au lever du soleil : une queue de poisson a commencé à pousser sur Maëlle, tandis que mon corps s’est couvert d’écailles scintillantes. Maëlle est encore toute étonnée de sa nouvelle apparence, mais pas peu fière ! Je suppose que l’on doit cette métamorphose aux longues heures passées dans l’eau : une simple adaptation à notre nouvel environnement. Sirène ! Qui n’en n’a pas rêvé un jour ? Sébastien se demande si cette transformation est irréversible ou passagère… Je vous tiendrai au courant !
29 et 30 mars – Tortola, Trellis bay
Le village de Trellis bay est organisé autour d’un centre artistique, l’Aragorn’s studio. L’artiste Aragorn réalise d’incroyables sculptures en métal ; certaines sont exposées sur la plage. Durant les nuits de pleine lune, il embrase ses énormes boules ciselées… j’imagine que cela doit être féerique ! Mais la prochaine manifestation aura lieu en avril. Plusieurs autres artistes exposent leurs œuvres sur la plage ou dans la galerie : bois sculpté, céramiques, bijoux… Cela donne une ambiance bohème et chaleureuse, comme un grand atelier à ciel ouvert. Nous prenons un petit-déjeuner au Jeremy’s kitchen, un vrai moment de détente, et une bonne adresse !
27 et 28 mars – Virgin Gorda, Leverick bay
Nous avons quitté le port pour un mouillage au nord de Virgin Gorda, à Leverick bay. La marina est agréable, très colorée avec ses toits rouges et ses bâtiments peints en bleu et vert d’eau. Et surtout, il y a une piscine, pour la plus grande joie des filles ! Elles ont beau avoir la mer en permanence à portée de brasse, la piscine a toujours leur faveur… Moi j’ai pu observer un iguane de très près, et j’ai découvert que ce reptile savait nager : j’en ai vu un sauter d’un ponton puis grimper le long d’un piquet pour remonter ! Au mouillage il y avait un autre Ovni, Griounou, un couple très sympathique avec deux garçons de 4 ans et 6 ans qui ont bien joué avec Maëlle. Encore une chouette rencontre ! En annexe nous avons « visité » deux ou trois plages… L’une d’elle était sur une île privée et nous avons été sommés de partir !
24 et 25 mars – Virgin Gorda
Nous quittons Peter Island sous la pluie et la grisaille et arrivons 2 h plus tard à Virgin Gorda, toujours sous la pluie ! Après avoir fait le plein d’eau et de gazoil, nous décidons de rester au port plutôt que d’aller au mouillage. Cela nous évite ainsi de sortir l’annexe pour aller à terre faire les formalités d’usage. Bien nous en a pris, car pour accoster avec l’annexe c’est 2 dollars par passager ! En plus il y a de l’eau chaude aux douches (ce qui est très rare) et du Wi-fi, bref, c’est le grand luxe ! Le lendemain matin, nous partons tous les cinq à pieds aux Baths, l’attraction phare des BVI. Imaginez d’immenses blocs de granits vieux de plusieurs millions d’années, disposés ça et là le long de la mer, formant un labyrinthe de crevasses et de piscines naturelles aux eaux cristallines : vous êtes à The Baths ! La promenade au milieu de ces énormes rochers est tout autant spectaculaire que réjouissante. On dirait qu’ils ont été posés là par la main d’un géant ! Ils ont été sculptés, façonnés, polis, par des millions d’années d’érosion, par le ressac de la mer qui vient les cogner inlassablement jour après jour… C’est fascinant et l’on se sent tout petit face à ces gigantesques rocs. Nous déjeunons au Top of the Baths au-dessus des rochers, les filles sont contentes, elles se baignent à la piscine du restaurant. L’après-midi nous continuons la balade à Spring bay, tout aussi splendide. Le temps est maussade et la mer agitée : le drapeau rouge est levé. C’est un peu frustrant de ne pas pouvoir se baigner, mais le site n’en n’est pas moins magique, je dirais même que l’on perçoit encore mieux la puissance des éléments lorsque l’on voit les vagues se fracasser contre ces blocs inébranlables avec des nuages d’écume.
22 mars – Arrivée aux Iles Vierges britanniques
Après une nuit de navigation tranquille, la plupart du temps au moteur car il y a peu de vent, nous arrivons aux Iles Vierges britanniques dans la matinée. Nom de code : BVI (pour British Virgin Islands). Nous mettons le cap sur Peter Island et jetons l’ancre à Deadman bay, où nous devons retrouver Sir Henri IV. Ils arrivent à peine une heure après nous, suivis de Jiyu et de Balanec ! Quel plaisir de retrouver tous ces amis du rallye au mouillage ! Mais les Kirikou manquent cruellement à l’appel… Nous pensons tous à eux avec beaucoup d’émotion. Laurence et Lucas, si vous lisez le blog, on vous fait un énorme bisou ! Peter Island est une île vraiment tranquille qui ne semble pas habitée, il y a juste quelques hôtels luxueux. En marchant un peu, il y a des points de vue splendides sur les îles alentours. Les BVI comptent une soixantaine d’îles ! Les hôteliers ont eu la bonne idée d’installer des fontaines à eau fraîche sur la route pour désaltérer leurs résidents, ainsi que des fauteuils pour admirer le panorama ! Petits et grands sont heureux de se retrouver pour jouer, faire l’école ensemble, papoter, se promener, pique-niquer sur la plage… Quand on vit en vase clos sur un bateau, ça fait du bien de casser la routine et de rencontrer du monde !
21 mars – Echappée belle à Anguilla pour nager avec des dauphins
En feuilletant une revue publicitaire sur St-Martin, je tombe sur « Dolphin Discovery », un organisme qui propose de nager avec des dauphins sur l’île voisine d’Anguilla. Renseignements pris, Sébastien me convaincs d’y aller toute seule et je prends donc mon ticket pour le lendemain. Le jour J, j’embarque à 9 h sur Cheers II, la navette qui relie St-Martin à Anguilla. Je suis fébrile et curieuse de savoir ce qui m’attend véritablement là-bas, un peu anxieuse aussi. Les dauphins sont-ils en liberté comme annoncé sur la brochure ? La rencontre se passera-t-elle comme je l’ai rêvée des centaines de fois ? Je repense au cadeau que m’ont fait ma famille et mes amis il y a quelques années pour mes 35 ans : nager avec des dauphins en Méditerranée. J’étais alors partie une journée sur un bateau à Mandelieu à la rencontre des cétacés. Au moment où le bateau s’approchait d’un groupe, on sautait à l’eau. Magnifique, mais très frustrant en même temps, car une fois dans l’eau, les dauphins nageaient très vite ou sondaient profondément, tandis que nous, pauvres humains avec des capacités limitées en apnée, devions remonter rapidement à la surface pour respirer. C’était déjà une expérience formidable ! Je me souviens également de la journée passée au Marineland d’Antibes avec Mathilde et Eléa. Les spectacles des dauphins et des orques étaient prodigieux, mais j’avais tellement mal au cœur de les voir enfermés dans leurs bassins si étriqués… Je m’étais alors promis de ne plus jamais aller dans un delphinarium. En 20 minutes, nous arrivons à Anguilla. Le centre est visible depuis le ponton, à 300 mètres, le long d’une magnifique plage. On pourrait y aller à pieds, mais un taxi conduit les participants sur place. De grands bassins naturels sont aménagés près d’une barrière de corail. Je scrute pour apercevoir les dauphins depuis la plage mais on ne les voit pas, ils sont dans les bassins tout au fond. La rencontre est prévue à 10 h 30. Un soigneur arrive et nous explique comment nous allons interagir avec les dauphins. Appareils photos et caméras sont interdits, car un photographe « officiel » prend les clichés que l’on pourra acheter ensuite à la boutique de souvenirs… Je suis un peu déçue, business is business ! Moi qui avais prévu tout un arsenal pour enregistrer chaque moment, GoPro et appareil photo étanche prêté par Eléa, c’est raté ! Sébastien avait même fait le tour des magasins hier pour trouver le meilleur système de fixation possible pour la GoPro, afin que j’aie les mains libres… Mais je suis impatiente d’aller à l’eau ! Le programme que j’ai choisi me permet d’interagir avec deux dauphins. Nous sommes un petit groupe de 10 personnes et nous suivons le soigneur vers un des bassins où nous attendent deux superbes Tursiops, Pénélope et Djaïn. Nous avons de l’eau jusqu’à la taille. Le soigneur, avec des gestes précis que nous apprenons à décrypter, et la besace remplie de sardines, demande aux dauphins d’exécuter des numéros avec chacun d’entre nous : nager en se tenant à leur aileron, ou encore se laisser porter et glisser sur l’eau debout sur leur rostre ! Leur poussée est d’une force phénoménale, et quelle vitesse, c’est une sensation incroyable ! Nous pouvons également les caresser, leur peau est d’ailleurs très douce. Nous restons 40 minutes dans l’eau à côté d’eux. La rencontre se termine avec un échange de bisou, sur le rostre et sur la joue. Mes impressions ? Je voudrais que ça dure encore, c’est passé si vite ! J’ai juste envie de sauter dans le bassin toute seule et retourner m’amuser avec eux ! C’est un privilège de les voir d’aussi près et de pouvoir les toucher ! Ces dauphins sont nés en captivité, ils font partie d’un programme de reproduction à Tortola. Ma mauvaise conscience me taraude : même s’ils sont bien traités et s’ils vivent dans leur environnement naturel, ils restent privés de liberté. Mais je sais bien qu’il serait impossible d’interagir avec des dauphins comme nous venons de le faire s’ils n’étaient pas apprivoisés. Je suis heureuse d’avoir pu vivre ce moment unique. Et j’espère de tout cœur voir encore de nombreux dauphins en liberté accompagner Maskali, et qui sait, pouvoir nager en leur compagnie un jour !